Remise de l’Ordre des Arts et des Lettres à Maître Sumitayu Takemoto [ja]

Depuis plus d’un demi-siècle, Maître Sumitayu Takemoto exprime toutes les émotions et incarne tous les rôles du théâtre du Bunraku. Jeune princesse ou valeureux guerrier, sage vieillard ou jeune garçon, sa voix à chacun des personnages du Ningyô Jôruri. Une voix qui sait alternativement se faire puissante ou mélodieuse, afin d’insuffler les émotions et la personnalité dans chaque marionnette, et lui donner vie.

Roland Barthes, à qui l’on doit de très belles pages sur le Japon, a décrit avec justesse et sensibilité la sensation et le plaisir que l’on éprouve devant un spectacle de Bunraku, une expérience qui n’est comparable à aucune autre. Le Bunraku, dit Barthes, pratique trois écritures séparées qu’il donne à lire simultanément : la marionnette, le manipulateur, et le récitant. Ces trois écritures ne font qu’un pour créer une forme théâtrale, la forme la plus aboutie.

Considéré à juste titre comme le plus grand récitant du théâtre Bunraku, il a été nommé Trésor National vivant en 1990, suprême distinction au Japon. C’est également sous l’impulsion d’artistes comme lui que le Bunraku a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité en 2003.

Soucieux de faire découvrir aux plus jeunes le théâtre du Bunraku, il a aussi eu à cœur pendant toute sa vie de faire connaître cet art de par le monde. Et c’est avec un immense plaisir que le public français a pu, à plusieurs reprises, l’applaudir. Il est venu jouer pour la première fois en France il y a 40 ans, en 1968, invité par Jean-Louis Barrault au théâtre de l’Odéon. Il est ensuite revenu à Paris en 1984 au Théâtre du Rond Point, puis en 1997 au Théâtre de la Ville. Chacune de ces tournées fut un triomphe.